mardi 21 février 2012

Interview de Philippe Karsenty par Gideon Kuts

Traduction de l'interview en hébreu, paru dans le quotidien Maariv le 15 février dernier, de Philippe Karsenty sur l'Affaire Al-Dura, mais aussi sur sa candidature à la députation de la 8ème circonscription des Français de l'étranger et l'affaire Lee Zeitouni.


Il y a 10 ans, Philippe Karsenty était un conseiller financier prospère, qui dirigeait un site de critique des médias, lequel ne parlait pratiquement pas d’Israël. C’est alors qu’il tomba sur l’affaire du reportage de la chaîne publique française France 2, concernant la « mort » de l’enfant al Dura, durant des échanges de tirs dans la bande de Gaza, en septembre 2000. 

Le reportage de l’envoyé de la chaîne en Israël, Charles Enderlin, un journaliste chevronné, connaissant les problèmes locaux, se présentant jusqu’alors comme quelqu’un d’intègre, exempt de tout soupçon « d’anti-israélisme », avait fait passer comme message, que Tsahal était responsable de la mort de l’enfant.

La diffusion de ces images a provoqué une vague de haine sans précédent dans le monde arabo-musulman.

Karsenty  est parvenu à la conclusion que le matériel diffusé avait été arrangé de manière tendancieuse, et ne pouvait valider les affirmations de France 2.

Considérant que  l’affaire n’était  pas moins que le « grand scandale médiatique des temps modernes », Karsenty est parti en guerre contre un des principaux médias français, lequel avait sa défense assurée par les dirigeants politiques et les professionnels des médias.

L’Israël officielle a préféré, pour des raisons de prudence, et compte tenu du manque de clarté durant l’enquête, ne pas s’associer au combat de Karsenty, qui, volontairement ou non, se transforma en affrontement avec Charles Enderlin.

Karsenty fut affublé d’une étiquette de « fou », et fut obligé de faire face à plusieurs accusations de diffamation, portées par France 2. L’affaire a chamboulé  sa vie privée et professionnelle. Après les premiers échecs, survinrent les succès. Le mois dernier, il a gagné le procès qu’il avait intenté à Canal +, qui l’avait diffamé en l’accusant lui-même de diffamation et de déformer la vérité.

La poursuite en diffamation intentée par France 2 a été rejetée par les instances judiciaires.

Cette semaine, le combat est censé aboutir à une conclusion couronnée de succès, lorsque la cour de cassation française décidera vraisemblablement de rejeter le pourvoi de France 2.

Lors de l’audience qui s’est tenue hier, le procureur a présenté ses conclusions, qui sont de ne pas changer la décision donnant raison à Karsenty, lorsqu’il a accusé la chaîne de télévision.

Entre-temps, Karsenty est devenu une personnalité publique connue. En 2008, il a été élu maire adjoint de Neuilly, une banlieue  huppée de Paris, qui est aussi la ville de Sarkozy. A présent, il est candidat aux élections à l’Assemblée nationale, pour le siège de député des communautés françaises de plusieurs pays méditerranéens, y compris Israël. Il a aussi des idées arrêtées sur la politique française et les relations franco-israéliennes, idées qui sont basées sur son combat  pour la vérité.

- Philippe Karsenty, quels enseignements  tirez-vous de cette affaire qui tire à sa fin ?

- Le vrai problème aujourd’hui est politique. Le Président Sarkozy a pris une position de soutien au mensonge de France 2, en dépit du fait que j’ai gagné mon procès. Il a accordé la Légion d’honneur à Charles Enderlin. J’attends qu’après ma victoire définitive, l’Etat d’Israël prenne ses responsabilités, et que le soutien  à Charles Enderlin, qui sévit dans la société israélienne, soit stoppé.

-  Pourquoi ce combat vous semble-t-il si important ?

C’est l’image la plus destructrice qui ait été créée pour entraîner la diabolisation d’Israël dans le monde. Depuis la création de l’Etat d’Israël, il n’a existé aucune  image d’une telle intensité, ayant pour but de  détruire l’image d’Israël. Le problème est, qu’en Israël, la plupart des gens ne l’ont pas compris, et ne lui ont pas accordé l’importance historique qui lui est due. Cette image a entraîné un changement  de l’opinion publique mondiale, qui s’est retournée contre Israël. Le journaliste Daniel Pearl a été assassiné pour venger la « mort » de Mohamed al Dura. Ben Laden s’en est servi sur internet pour  recruter des volontaires pour les attentats des tours jumelles. En Israël, personne ne s’en est aperçu. Autre exemple, quand j’ai visité Bamako, capitale du Mali en Afrique, j’ai vu que la place principale de la ville s’appelle « Place de l’enfant martyr de Palestine ». Il y trône une statue géante représentant le petit Mohammed al-Dura.

Vous avez payé le prix fort du point de vue personnel. Toute votre vie s’est concentrée autour de l’affaire Al-Dura. Cela en a-t-il valu la peine ?

- Quand j’ai gagné mon procès contre France 2, 800 journalistes ont signé une pétition contre moi pour dire que je suis un négationniste - un terme réservé en France a ceux qui nient la Shoah - car, selon eux, j’ai nié la mort de l’enfant. Et ça continue ! Tous les médias se sont comportés de manière ignoble, et même les ambassadeurs d’Israël en France, sauf Elie Barnavi, se sont opposés à moi. Les radios juives ont soutenu Enderlin sans discontinuer. Cette histoire m’a touché dans ma vie et m’a isolé durant toutes ces années ; les gens me prenaient pour un fou. Quand on a une responsabilité historique, il faut aussi l’assumer.

Aujourd’hui vous êtes candidat  aux élections au Parlement Français. Quel est votre programme ? 

Je me situe au centre droit. Je ne m’identifie avec aucun parti. Mon programme est la défense des intérêts des citoyens français d’Israël, de Grèce, d’Italie et de Turquie. Je veux défendre les valeurs qui ne sont plus défendues à l’Assemblée nationale aujourd’hui : pluralisme, indépendance des médias et culture. Je parle de la défense de la culture occidentale, des valeurs et des principes d’une société ouverte, de la démocratie.

- Que pensez-vous de la politique Israélienne ?

- Je ne veux pas m’immiscer dans la politique intérieure d’Israël. Je ne suis pas candidat à la Knesset. Je suis candidat aux élections en France, mais je pense qu’Israël aussi a besoin de la vérité. Ce qui me gêne, lorsque j’observe la politique israélienne, c’est qu’il me semble que les Israéliens acceptent les mensonges proférés par les autres pays. Par exemple, lorsqu’on leur dit que Mahmoud Abbas est un partenaire pour la paix, alors que l’on sait que, parallèlement,  il incite à la haine dans les territoires palestiniens, signe un traité avec le Hamas et se prépare à la guerre. Je pense qu’Israël ne peut pas prendre le risque de faire la paix avec des gens qui veulent la guerre.»

- Quelle est votre  position sur les « malentendus » entre la communauté juive en France et les Israéliens, y compris l’affaire Lee Zitouni ?

- Quand on voit l’attitude diplomatique de la France envers Israël, sous couvert de mots amicaux, on perçoit une hostilité inimaginable. La reconnaissance d’un pseudo pays palestinien à l’Unesco est un acte ignoble qui passera dans l’histoire comme un acte supplémentaire de traîtrise de la France. Sarkozy a commencé avec des mots très amicaux envers Israël, puis est devenu très hostile, tout en continuant à prétendre qu’il est un ami d’Israël. Je ne pense pas qu’il y ait place pour une hostilité entre les Juifs français et israéliens en ce qui concerne Lee Zitouni : il y a une manipulation cynique des politiciens israéliens et français qui veulent utiliser ce cas à leur avantage. Il y a des lois en France et il y a des lois en Israël. On ne va pas les changer à cause de deux chauffards meurtriers. Il y a la possibilité de les juger en France. Il n’existe pas de traité d’extradition entre les deux pays. Est-ce que vraiment tous les citoyens français qui vivent en Israël voudraient tout remettre en question et se mettre en danger d’extradition pour d’autres raisons ? ».

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