jeudi 4 novembre 2004

Antisionisme n’est pas critique

Dans la rubrique Rebonds du quotidien Libération, Pascal Boniface essaye de nous expliquer, dans une chronique intitulée «De la critique à l’antisémitisme », combien Jean-Christophe Rufin s’est fourvoyé en reprenant à son compte l’idée -répandue surtout par des ‘’responsables communautaires et des intellectuels juifs’’ (sic)- « que la critique du gouvernement israélien n'était qu'un alibi pour exprimer (…) un antisémitisme que l'on ne veut pas afficher franchement » et en concluant son rapport sur la réalité d’un antisémitisme par procuration, équivalent d’un antisionisme radical.

Et pour ce faire, le Directeur de l’Iris, de présenter son analyse de façon à confirmer que l’objectif recherché « vise avant tout ceux qui combattent l'antisémitisme, qui reconnaissent le droit pour Israël d'exister dans des frontières sûres et reconnues, qui condamnent les attentats-suicides mais qui critiquent la conduite de son gouvernement ».

On admettra aisément qu’il est difficile, à beaucoup d’entre nous, de reconnaître l’auteur dans cette auto-description.

- Non pas parce que nul ne l’aura aperçu le 07 avril 2002 manifestant, à nos côtés, dans les rues de France contre l’antisémitisme et pour un soutien à l’existence de l’état d’Israël.

- Non pas parce qu’il place, comme tout critique insensé, Israël dans un axe du mal en place et lieu de la Syrie.· Non pas parce que peu, ou pas, de gens se souviennent de ses condamnations des crimes contre l’humanité que sont les attentats suicides.

- Non pas parce qu’il appela les socialistes français à préférer les électeurs musulmans aux électeurs juifs.

- Non pas parce qu’il ne prit jamais la plume pour critiquer l’Autorité palestinienne sans pour autant s’en servir contre Israël.

On a du mal à le reconnaître dans ce portrait, pour la simple raison que la lecture de sa chronique nous confirme, encore, que l’antisionisme est à la base de sa réflexion personnelle. Car sinon, comment comprendre toutes ses tentatives médiocres d’explications, dans différents médias, de son ‘’droit à critiquer Israël’’, qui en devient presque obsessionnel ?

Ainsi, nous commente t-il, il y a « au sein de la communauté juive de nombreux juifs antisionistes », qui « Au nom de la Torah, (…) nient à l'Etat d'Israël le droit de représenter tous les juifs », « que la politique d'Israël met les juifs de la diaspora en danger » voire « que les juifs doivent être intégrés individuellement dans les Etats où ils vivent et ne se reconnaissent pas dans un Etat qui serait fondé sur des critères de race ou de religion ».

Peut on raisonnablement affirmer, que le rapport Rufin vise expressément ces ‘’antisionistes’’ ? Ces derniers, mettent t-ils la démocratie française en péril ? Bien sûr que non.

Viennent ensuite, dans l’exercice de sa justification, « les sionistes antisémites » représentés par « Une partie de l'extrême droite française [qui] préfère voir les juifs en Israël plutôt qu'en France [et qui ] approuve la politique de répression contre des Palestiniens du fait d'un racisme anti-arabe ». Bref ! des ‘’sionistes’’ racistes soutenant ( à le croire ) la politique d’Ariel Sharon, cependant tant décriée par Pascal Boniface et servant, quelle aubaine, sa démonstration actuelle.

Le Pen et ses sbires ‘’sionistes’’ !?!? Il faut le lire pour pouvoir le croire. Et c’est écrit dans Libé.

Mais ce n’est pas tout. Il y a aussi, toujours selon l’auteur, des ‘’sionistes’’ chrétiens américains ( coucou, voilà l’hyper puissance ) antisémites pour croire que « (…) le retour des juifs en Terre sainte servirait de prélude à leur adhésion au Christ et, pour ceux qui ne le font pas, à leur destruction physique ».

Où l’art de réduire la croyance de fidèles en future ‘’solution finale’’ pour le peuple juif et de faire concorder le mystique et le politique à des fins exclusivement partisanes du moment.

Le reste est à l’avenant, et corrobore l’idée que l’on se fait de son analyse caricaturale qui se veut être, toutefois, une réfutation sérieuse au rapport de Jean-Christophe Rufin si gênant pour certains censeurs de la légitime défense israélienne et du soutien inconditionnel de la diaspora juive à l’Etat d’Israël.

A l’heure de la victoire sans conteste de Georges W. Bush, qui révèle sans aucun doute une continuation de la politique US actuelle contre la barbarie et pour le développement des droits de l’homme et de la femme à travers la planète -singulièrement dans tout le Proche et Moyen-orient-, il y a des batailles franco-françaises qui authentifient la situation déplorable actuelle de l’intelligence française et, au-delà, le danger qui guette les valeurs démocratiques dont la France fut, il n’y a pas si longtemps encore, un des garants de leurs défenses.

Par son pamphlet grotesque, qui se voulait leçon, Pascal Boniface nous a prouvé toute sa participation à ce désastre.

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